vendredi 28 octobre pour jeudi 24 novembre 2022

11. Solutions vivantes; obstacles sociales

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Cette émission, le Profrugal numéro 11, s'appelle "solutions". Donc je vais commencer avec les solutions !

il en existe plusieurs, des solutions, des solutions discrètes, dans les deux sens du mot "discret" : séparés, ... et, malheureusement, modestes et moitié cachées. J'ai horreur de la fausse modestie, je trouve ça prétentieux. Je ne vais pas faire une liste, de ces solutions tout-à-fait évidentes. Sans en faire un flux amorphe, il faut y faire des initiatives conjointes, qui se complétent, qui se complémentent, il faut donc coopérer, si l'on veut y réussir.

Désolé de le dire de manière aussi brutal, mais c'est comme ça. Il ne suffit pas de faire tout modestement dans son coin - c'est souvent pire que de ne rien faire. Par contre, il est bien temps que ceux qui essaient de se concentrer sur la pub., en abusant des chefs d'oeuvre, se mettent à trimer, et à marcher ensemble - l'événémentiel, c'est toutes les semaines maintenant, comme le dirait un certain Ellen Musk, maudits soient ses os.

coopérer, cela veut dire, dans le cas de la France métropolitaine, bouger ensemble, sans voitures, parler ensemble, sans portables - pour que le bruit court. De l'énergie humaine, là où il n'y avait que de l'énergie fossile. Cela implique des structures d'accueil pour les humains, et pas leurs voitures. Des gîtes de passage, des lieux de stockage, des ateliers vélo et des jardins. Un espace public fait pour s'asseoir, se sentir un peu chez soi. De la logistique, de l'infrastructure dédiée à ces fonctions-là - pour nous, sans voitures. On dégage cette volonté en y allant, en étant là - manque pas d'infrastructure dans ce pays, suffit juste d'y penser.

Les gens qui font cela, qui se présentent régulièrement chaque semaine aux marchés, peuvent ainsi apporter de l'information, toute sorte d'approvisionnement, des savoirs faire et une énergie de travail.

comme dans une guerre ou sur une ZAD, ces combattants de l'écologie font le travail, on ne les demande pas de payer pour ce privilège - on les soutient.

On combat frontalement des gens comme Bruno Lemaire ou Gérard Darmanin qui font tout pour rendre la vie impossible pour ceux qui essaient de divaguer de l'exploitation des pauvres du monde. Le productivisme où des agriculteurs riches essaient de faire passer leur dépouillement des ressources et des gens lointains pour une plus grande productivité personnelle, on l'attaque frontalement aussi.

Le "en même temps" rendu célèbre par le président français, on le décode et on le dit tout haut. On ne peut pas en même temps casser les baraques des pauvres, interdire la production indépendante de méthane bio-sourcée, et donner de plus en plus d'argent aux industriels qui sont en train de tuer le monde. Cela crée beaucoup d'animosité et ne peut que mal terminer.

les bisounours de l'écologie qui raisonnent comme si le monde était neutre doivent comprendre cela maintenant - ceux qui essaient de retenir leur pouvoir et leurs privilèges, cela les importe peu qu'ils le fassent en faisant sauter leurs enemis plutôt qu'en faisant marcher leur propres oeuvres. Les résultats, en termes de pouvoir, c'est les résultats qui comptent. Il faut que le gouvernement et les institutions arrêtent d'empêcher les vrais écologistes d'agir en leur mettant des bâtons dans les roues, en les harcelant, en les méprisant, ça suffit. L'ancien régime, où on téléguidait les gens envers des boulots de merde, c'est fini. Fini, en tous cas, au niveau de la cohérence globale.

Avant que ce pays ne devienne un état policier dominé par la mafia, on a encore de la marge pour faire ce que je propose, c'est-à-dire, faire que sur le terrain, les bonnes pratiques prennent racine et que les gens sont là pour les défendre. Cette cohésion sociale manquera, tant qu'il n'y a pas de gens qui interagissent là où ils se trouvent, là où ils peuvent avancer, constructivement. Ne nous laissons pas réagir constamment contre les dernières outrages de l'opposition industrielle primitive, comme des taureaux contre des matadors. Comme ça, on aura des gens qui savent construire avec nous et pas que des casseurs et des réactionnaires.

Tout en tenant bien compte des anti-solutions - il y a une bataille en ce moment où tout le monde essaie de se faire paraître en faveur de l'écologie, en rémâchant et en régurgitant les solutions technologiques, en essayant de paraître raisonnables par rapport aux "réalités" de la transition. C'est très nouveau, ça fait un peu rigoler, est-ce que les gens se rendent bien compte du chemin déjà parcouru, en si peu d'années? Si cela continue comme ça, ce qui est dit maintenant sera passé de date d'ici deux ou trois mois - on va même arriver au point de départ - pas de voitures à la campagne ! Très bien. Mais ne nous laissons pas dévier le regard, il y a bien un axe de mouvement vers ce qu'on appelle la sobriété énergetique prioritaire, mais rien n'est encore fait. Faisons cela, faisons que toutes ces autres daemons de notre passé industriel ne soient pas en train de lui revenir dans la gueule, faisons la guerre de l'attention en ne leur prêtant pas attention.

dimanche 20 novembre 2022

solutions annexe

« On ne peut pas retourner 50 ans en arrière. » C’est ça le problème avec le progrès. Les arguments coups de massue qui ne permettent pas de réponse raisonnée. Disons que le progrès, c'est humain, que le but n'a jamais été de produire des humains en surpoids, avec des cancers, qui ont des vies qui ne font plus de sens. Et ça tombe bien, de parler de cela, je dois être devin - à 16h, sur France Culture, leur émission va parler de ... "arrêter le progrès" !

Le solutionnisme écologique tombe dans le même camp que les "on ne peut pas revenir en arrière". Vous me soupçonnez déjà de ne rien proposer comme solution ? Mais si mais si ! Je dois juste débroussailler un peu, à la main, tout ce que disent les solutionnistes.

Si, par maladresse, j’ai l’air de dire qu’il n’y a que moi qui ai pensé à ça, ça, ça ou ça, rassurez-vous que je pense tout-à-fait le contraire – pour cela que je veux que le courant passe. Je pratique plein de choses pour voir si elles marchent et je constate que c'est la transmission qui nous est souvent difficile, parce que nous y avons perdu la main, ces dernières années. Faut s'y remettre, voilà toute l'histoire.

Pour trouver des solutions écologiques, il ne faut pas cloisonner nos raisonnements. Il y a des choses auxquelles nous croyons, aujourd'hui, dur comme fer, que demain on va dire "mais comment est-ce qu'ils ont pu croire ça, alors que c'était si évidemment faux ?" Peut-être qu'on n'y croyait pas vraiment, mais on ne voulait pas créer des vagues ... honte à nous !

Solidarité humaine avec tous les êtres humains, solidarité du vivant avec le vivant, pas juste notre tribu, ou groupe, ou ethnie, ou écosystème, celui qui « mérite » une sympathie particulière, ou qui exige une attention particulière. D'abord la dignité, ensuite la condéscendance.

Et pas de révérence particulière pour les peuples premiers, nous sommes tous des peuples premiers.

J'ai lu des choses souvent niaises, cette semaine, par exemple "Sciences et Avenir" s'est mis, en prenant beaucoup de chiffres et projections de l'association "Négawatt", à adresser le problème de réduction de l'énergie que nous utilisons. Il en advient une sorte de science technique qui ignore l'humain. C'est la même chose pour une émission de France Culture le vendredi soir à 21h - "le meilleur des mondes", de nouveau, pro-technique, comme si les humains étaient des moutons.

Mais ce n'est pas parce que c'est fait en métal ou en silice, ou parce que cela produit des tonnes et des tonnes d'énergie que c'est scientifique. Ce n'est pas parce qu'il y a plein de chiffres et de gros mots techniques que c'est scientifique. Les sciences qui sont en croissance, actuellement, ressemblent de plus en plus à la fonctionnalité de la vie, les algorithmes sont les nôtres.

Quelques exemples

Pertes et dommages

J’écris le jour de la fin hypothétique de la COP21 en Égypte. On nous représente dans le média des petits pays qui n’ont guère contribué aux gaz à effet de serre courant le risque de disparaître sous les vagues, ou de grands pays comme le Pakistan subissant par tours l’extrême sécheresse et les inondations. Ces pays promettent de se camper là, jusqu’à ce que les grands pays riches et puissants cèdent sur le principe : pertes et dommages.

On demande un fond international exprès pour pouvoir soutenir ces pays qui subissent les conséquences climatiques des politiques de deux siècles des pays riches qui les ont colonisés. Plus de 50 pays de l’Afrique soutiennent cette demande. La France offre 1 milliard d’euros, sauf que ce sont des fonds qu’elle a déjà alloués – elle compte deux fois les mêmes sommes d’argent, sauf que c’est en forme de prêt (quelle gifle) et que beaucoup de cet argent est attaché à des contrats avec des entreprises françaises. Les États Unis et la Chine refusent d’y participer. Peut-être ce positionnement changera avant mon émission de jeudi 24 novembre 2022, on verra. Je note que oui, il a changé, et que la France propose une réunion pour le mettre au point.

A Dohar, la Coupe Mondiale se lance. Il n’y a jamais eu un si grand mécontentement autour d’une Coupe du Monde. Les Qatariens encaissent sur tous les fronts, les excès de consommation, les abus des droits humains. Et nous, nous avons Saint Germain. Le clime, l’abus des ouvriers, le racisme, le sexisme, tous fournis par notre achat de leur pétrole. Je vois un petit problème, là, symptomatique des petits problèmes qui nous hantent de plus en plus, tous. Que celui qui n’a pas commis de péchés jette la première pierre, ah, j'ai oublié, ça compte pas, c'est dans le cloison religion. Ce club parisien dont j’oublie le nom, financé par ce même Kuweit, … l’entreprise française Total qui se spécialise dans l’ouverture de nouveaux gisements et pipelines dans des pays pauvres, les élus français déjà compromis dans ces affaires. Et pour comble, après avoir dit qu’ils allaient le permettre, l’interdiction de bière près des stades. Mais pas les cannettes, sans doute, l'alu n'est pas contre la religion. Compliqué, hein ? C’est un petit pays qui sert de souffre-douleur, sans grande menace, en fait.

Pertes et dommages bis, …

Justice, …

La loi du plus fort, ou pas de loi du tout? La vaste majorité du média se concentre sur des supposés spécialistes et des supposées autorités écologiques, qui se sont miraculeusement matérialisés ces toutes dernières années. Or, chacun d'entre ces experts a eu un mal fou à se faire entendre et à se faire rémunérer, jusqu'à il y a très peu d'années, et il est complètement habitué à défendre et à faire valoir sa chasse gardée, en se déclarant incompétent dès qu'il sort un peu de ce champ où il maîtrise les chiffres et le jargon. On peut supposer que la chasse gardée des politiciens, c'est quoi, à ce moment-là ? C'est, bien sûr, l'économie du pays, la globalisation, la guerre, les conférences internationales, la consultation de l'électorat.

Pendant ces derniers jours, les émissions de proue du média national interviewent des chefs de la FNSA, de l’aéronautique, Bruno Lemaire, quelqu'un de la Fondation Abbé Pierre pour le logement, etc., souvent de manière assez critique.

Bon vous voyez le tableau. Les pauvres veulent du fric, les riches ils en ont, suffit de les harceler pour en avoir. Cela a bien marché en Amérique, en Allemagne aussi, en France énormément, …

Après tout, ce sont des pays riches.

Et cette sobriété dont on parlait, …

Je n’ai jamais entendu autant d’adultes en train de se comporter comme des petits enfants. On est sur la voie du hara kiri collectif et on passe son temps à discuter sur comment partager le butin. Du vrai "île aux trésors".

Mais il n’y en aura bientôt plus, de butin ! Si les puissants d’aujourd’hui jugent bien leur coup, lorsqu’ils cèdent, finalement, les coffres seront vides.

Et si l’on doit vraiment parler de pyramides de pouvoir, il est intéressant de noter que le biogaz viendra d’en bas, d’abord il ira aux alentours, ce qui reste ira sur le réseau. Cela ne viendra pas du haut, pour être distribué vers le bas.

La logique donc est que les riches occuperont de plus en plus le bas, domineront de plus en plus la campagne – cette fois-ci, libres des contraintes de s’occuper des pauvres – ils auront des machines, des vaches et du biogaz, ils n'auront plus vraiment besoin de pauvres. Pour être absolument sûrs d'avoir la main-mise sur la campagne, ils adoptent la méthode qatarienne, employer des sans-droits à bas salaire qui ne viennent pas d'ici et qui s'en vont dans le plus court delai.

Ces riches qui adorent les réserves de la nature, puits de carbone et peuples premiers.

Bien joué, les riches ! Vous n’avez qu’à ériger des frontières et des murs de plus en plus accomplis, peut-être avec des drones militaires en mode « tir automatique » pour surveiller les circonférences. Les instances sociales alimentaires prendront les grosses miettes qui tomberont de vos tables, pour les distribuer aux pauvres sur place – ces pauvres qui n’auront, en fait, plus le droit de bouger hors leurs camps de concentration et leurs mal logement en périphe, comme l’a prédit Doris Lessing.

Analyses conventionnelles

Je tire les analyses que je présente en bas surtout de la revue « Pour la Science », novembre 2022. La lacune majeure, bien sûr, est que l’on n’incorpore ni le mouvement – le transport, ni le social – la politique, dans l’analyse dont j’essaie de suivre la logique. Ce sont des logiques parcellaires et partielles, articulées par des experts.

Mais si l’on faisait une analyse dynamique, chacun de ces éléments rebondirait sur un autre,qui créerait des répercussions ensuite.

Mais dans cet état de stupidité collective, on pense que les mensonges par l’omission, ça va. Lorsqu’une logique ne tient plus, on va se replier sur une autre – par exemple importer les denrées qui manquent. Parler du Quatar alors qu'on fait la même chose chez soi. Etc.

En faveur de la Science, donc, on y va

2 400 Kilo-calories (10 000 Kilojoules) par jour, c’est l’énergie nécessaire pour vivre, travailler, se déplacer. 1 Kilocalorie = 4,184 Kilojoules (kcal→kJ).

La femme (à Madagascar) qui repique du riz à la main, sans aucun engrais, ne peut pas repiquer plus de 0,5 hectares par an. Le rendement ne dépasse pas 1 tonne par hectare, ce qui équivaut à 500 kilos par actif par an. Son concurrent en Arkansas (États Unis) cultive 100 hectares, avec un rendement de 5 tonnes par hectare : 500 tonnes par actif par an. Il a utilisé des engrais, des carburants, des pesticides, des tracteurs, des moissonneuses-batteuses, etc., ce qui a réduit sa valeur rajoutée par cinq – c’est-à-dire qu’il lui reste 100 tonnes, 200 fois plus que la demie tonne de la femme de Madagascar.

Elle a besoin d’environ 200 kilos de céréales par an pour remplir ses besoins alimentaires de base, rappelons-nous qu’elle a produit deux fois et demie cette quantité (500 kilos). La moyenne mondiale de production par habitant est actuellement de 330 kilos – 130 kilos de plus que le nécessaire théorique pour alimenter tout le monde.

Mais … on utilise une quantité croissante de cette production végétale pour l’élevage de viande (de 3 à 10 fois moins de rendement calorifique que pour les plantes, 33 % des terres agricoles mondiales dédiées à cet usage – FAO, 2009), ou pour les agrocarburants. Le gaspillage est un autre facteur important.

Rappelons-nous que la femme à Madagascar cultive 0,5 hectares, le fermier d’Arkansas 100 hectares. Le bilan du rendement par hectare est le même ! Il produit, net, 200 fois plus de riz, sur 200 fois plus de surface. Enfin, je dis lui, on y reviendra.

D’autres chiffres intéressants que j’ai entendu, tout dernièrement, sur l’hypothèse démographique de la fin du monde. On a calculé que si tout le monde vivait comme dans les pays riches, on pourrait vivre à 700 millions de personnes en restant dans les clous écologiques. Mais on a rajouté cette analyse que je trouve intéressante à plus d’un égard.

En Amérique du Nord, on relâche en moyenne plus que le double de l’Europe, par personne – on occupe bien plus de place, les maisons sont bien plus grandes et spacieuses, etc. En regardant une carte mondiale de la pression exercée et la dégradation des sols (p34, Pour la Science novembre 2022), on observe qu’aux pays riches, les sols sont plutôt en train de s’améliorer et que la pression est faible, l’Europe et l’Amérique inclus.

p>J’ai noté que les américains se réfèrent souvent à « The American Way », d’une manière que je trouve vaniteuse. « Faîtes comme nous et vous le vivrez bien, comme nous », c’est à peu près ça que cela veut dire.

OK. On va tous occuper à peu près 200 fois, au moins, les terres qu’il nous faut pour l’autosuffisance, y inclus vos terres, aux États Unis, ou en France, ou en Angleterre ! Ça vous va ?

C’est une réponse possible. Mais cela va bien plus loin – pour cela que j’ai dit que les réponses que l’on trouve sont intéressantes à plus d’un égard.

Beaucoup, beaucoup d’européens mais surtout d’américains du nord, et je mentionne spécifiquement Naomi Klein, étant identifiée avec les mouvements de défense des peuples premiers et de conservation de la nature, promeuvent le concept de la réservation de vastes espaces naturelles à la nature – de sa biodiversité, de ces forêts primaires, très peu peuplés. Mais moi, je me demande : ça change quoi, pour les êtres humains, globalement ? » D’après ce que j’observe, on change l’usage de 100 hectares par un fermier plutôt riche en 100 hectares de nature protégée par un riche.

Dans d’autres parties du monde, où il y a une plus grande densité de populations par rapport à la qualité et la quantité de terres disponibles, la pression sur ces terres s’intensifiera, elles se détériorerant, c’est mathématique, dans la mesure que les industriels prennent la plupart des terres – et des ressources, ou directement ou indirectement.

Logiquement, la redistribution qui permettra à la population mondiale de vivre est une redistribution du poids écologique de cette population, une utilisation plus efficiente des terres disponibles pour à la fois nourrir et caser les gens. Le céréalier des États Unis occupe et consomme le produit d’une surface qui permettrait à au moins 200 paysans de Madagascar de vivre.

Dans sa tête, ses terres ne sont cependant pas « disponibles ». Si les américains du nord sont très « libéraux », très dans le seul droit de l’homme qui compte, le droit à la propriété, tout est cool pour lui, il peut invectiver les politiques, parce qu’il y a inflation, parce que sa « fin du mois » n’est pas aussi fourni qu’avant.

Les arguments que j’ai utilisés, jusqu’à là, n’ont pas pris en compte des questions écologiques, comme l’impact adverse ou autre des différentes méthodes de culture.

Je vous rappelle que le fermier américain est pile poil à l’image de « l’exploitant agricole » français. On l’a juste labellisé américain pour objectiver.

Nous savons exactement ce qu’a été la politique depuis De Gaulle : « préférence aux industriels et à l’économie d’échelle ». De telle manière que nous pouvons métaphoriquement compter sur les doigts d’une main la population agricole, ceux qui restent. Nous restons radicalement dans le camp du toujours plus, pour toujours moins de profiteurs du travail caché des autres – ces autres qui ont rajouté l’engrais, les pesticides, même les semences, spécialisés pour tout aspirer de la terre jusqu’à l’épuisement du sol. Mais en général, en laisse tout ça aux autres, les brésiliens (maïs et soja), les indonésiens (huile de palme), les russes (gaz), etc. Cela va jusqu’au salaire minimum et aux CDIs, toujours une séparation nette entre nantis et assistés, supposément.

Il faudrait cinq Frances, en surface, pour que chaque français, en moyenne, ait une vie « décente », selon les critères « modernes » de confort et d’aisance, en toute chose. On voit bien l’intérêt de parler exclusivement de la productivité de « l’exploitant », en oubliant tous les « exploités » sur la chaîne d’approvisionnement style Walmart qui maintiennent cette illusion. Comme les servants, invisibles.

Regardons de nouveau la pauvre paysanne Malgache. Étant, par force majeure, bien obligée de se débrouiller, elle s’est faite une chaumière en paille de riz et boue, entre autre, avec du genêt pour le toit. Bien sûr que cela lui a pris un petit moment, mais elle est au-dessus des inondations fréquentes et il y a un creux de colline qui lui abrite un peu de la force des vents et des pluies diluviennes qui arrivent deux ou trois fois par an. Et comme les autres paysans, accrochés à la montagne, chaque fois qu’elle va à sa parcelle de soixante-dix par soixante-dix mètres, à 300 mètres de dénivelé, elle y apporte quelque chose, de la merde de poule ou de pigeon, de la coquillage d’œuf, quelques pierres pour renforcer la terrasse, et ainsi de suite.

En fait son semis, elle l’a de sa récolte. Et on n’a pas tout dit, elle a déjà un mari, ses enfants grandissent, et ça fait 5 fois ses 5 000 mètres carrés de riz qu’on cultive, avec la famille, ce qui donne un excédent de 1 500 kilos annuels de riz, une tonne et demie. Ils ont accès à un vieux portable et un groupe social par SMS pour négocier en collectif le prix du riz et la logistique du transport.

En fait, sa maison ne lui a peut-être pas coûté même un rond, mais, voyons, elle a sa petite cabane à la montagne, et elle s’est assurée les bases de sa vie, tout sans se plaindre de l’inflation, du coût de la vie – et elle a déjà son CDI.

Pas mal pour pas un sous. Très efficace, comme opération. Bien sûr que le prix du riz, tellement bas à cause des prix que peut lui donner l’industriel à Kansas, c’est un sale coup. L’agriculteur de Kansas s’en fiche pas mal, il en a des tonnes.

Pour elle et sa famille, il reste que le fait de le manger sans même devoir aller au supermarché récompense déjà un peu, il y a les mil kilos qu’il faut pour la famille déjà engrangées. Il y a d’autres récoltes à proximité que l’on peut échanger. Non. Le vrai type de problème que l’on peut rencontrer, à part son anxiété constante par rapport à l’érosion, les coulées de bout et l’épuisement physique dû à la chaleur du soleil croissante, c’est les possibilités d’intimidation ou de violence en bande organisée, le vol, l’accident de vie. La vie est assez précaire parfois, dans ce sens. Il y a surtout la sécheresse, elle vit dans le sud de l’île, où ces problèmes groupés ont eu tendance à s’enchaîner comme les 7 fléaux de Moïses, ces dernières années.

On voit bien pourquoi De Gaulle a vu comme nécessaire de couper le lien, dans la tête du paysan, entre la terre et la culture vivrière – tout doit passer par l’argent, sinon cela ne marchera pas, c’est à peu près ça, son analyse, de l’époque.

Dans un cadre colonial, bien sûr, … plus les temps courent, plus ils changent, n’est-ce pas ?

Vous voyez où cela nous mène, cette logique ? Droit dans le mur, soixante ans après.

C’était ça, la bonne idée.

invectives futiles ?

Le journal Le Monde du vendredi 28 octobre 2022, une semaine avant le COP27, porte le titre : Climat : des efforts « terriblement insuffisants ».

Il paraît qu’à un certain moment, nous allons nous plier au défi, mais il y a un petit problème, … presque par définition, les décisionnaires actuels ou potentiels se sont montrés déficients, inadéquats, autant dans leurs prises de position que dans leurs actes.

La manière d’agir, jusqu’à là, a été de sauter dans un avion et aller sur place, ou bien d’envoyer des gens, à forte dépense énergétique, pour faire la même chose. Plus ça allait, plus ça allait, c’est une manière de parler, pour ne pas dire un élément de langage, c’est comme ça qu’ils passent leur temps, les communicants.

Notons que les solutions vivantes existent – le problème, qu’elles n’arrivent pas à prendre, que cela ne fait pas boule de neige. J’ai fait exprès dans ces émissions et écrits de ne pas passer trop de temps à parler de choses spécifiques – pour ne pas tomber dans l’erreur de donner des listes de solutions techniques, sans solutions sociales. J’ai cassé mes propres règles là-dessus en parlant de manière assez pointue sur les chiffres de rendement, par demi-hectare cultivé de l’industriel par rapport au paysan sans moteurs et sans les sous.

Je viens d’écouter une Terre au Carré (mardi 15 novembre 2022) plutôt perturbant à cet égard, qui montre bien le dilemme. On a demandé au cinéaste Dion, célébrité montante de l’écologie, quelles seraient les cinq mesures phares à prendre, dans l’ordre de leur importance. La première, selon lui, a été les frigos, qui contiennent des gaz réchauffants très nocifs. À ce point précis, il m’a perdu. Et la biodiversité, et la destruction des milieux ? Il a accusé le Président Macron de fourberie, et lui-même ? On va tous s’affairer autour des frigos qu’on n’a pas, c’est ça le grand plan ?

Il a dit aussi qu’il avait la foi dans le bon sens de la démocratie participative, que c’étaient les gérants qui posaient problème. Ce n’est pas mon avis. Les membres des conventions citoyennes ne se voient pas dans l’obligation de se faire élire – ils sont déjà élus, par le tirage au sort – par conséquence ils ont les mains relativement libres. C’est tout. Ce n’est pas un système, ce n’est guère rien et il reste tout à faire, au niveau de la démocratie participative, soyons raisonnables. Que de l’incrémental.

Les politiciens et autres gérants sont dans un pacte avec leurs électeurs, même les chefs autoritaires courent le risque que leurs peuples tournent contre eux.

Sur l’idée que les grandes victoires se font par plusieurs petites victoires, oui, mais cette thèse coupe dans les deux sens – tout le monde est capable de l’appliquer, pour le bien ou pour le mal. Et le dessin risque de ne pas être clair du tout, c’est un peu ma critique.

solutions

analyse et passage à l’acte dynamiques

C’est le fait de créer des structures qui accommodent et facilitent les mouvements des populations, de l’information et des denrées, tout en maintenant d’étroits liens productifs entre elles et les lieux par lesquels elles passent. La frugalité des moyens déployés, avec une absence d’énergie non-vivante et l’effet bénéfique des interactions créent les bons résultats. Cet effet est à plusieurs dimensions, que je vais essayer de présenter en bref ici.

Les essais présents sur le site www.cv09.toile-libre.org traitent de manière plus fine les divers aspects de cette problématique.

Stress démographique

Ces mesures – la marche-à-pied, le vélo sans assistance, etc., détendent le stress démographique. Essayez-les - vous verrez bien que c'est le cas. Populations sédentaires et populations mobiles trouvent de chaque côté leur bonheur dans l’échange. Ils se familiarisent, les uns avec les autres, ils établissent des modes de vie ensemble, mais pas trop. Au contraire de ce que l’on pourrait penser, ce sont des politiques d’intégration, de respect pour les lieux et pour les cultures de chacun. On est à la recherche d’un certain équilibre.

D’autant plus que ceux qui bougent véhiculent et transmettent les savoirs aussi bien que les produits des terroirs qu’ils traversent. On peut tolérér la présence de populations migratoires s'ils ne risquent pas de rester, ou de s'imposer, il faut donc renforcer leurs droits en tant que semi-nomades, pour établir des termes de respect à titre égal.

Écoles linéaires

La méthode : « écoles linéaires » crée, par l’interactivité et la confrontation avec l’altérité, un apprentissage efficace et durable qui prend en compte l’intérêt écologique et productif des lieux par lesquels on passe. On apprend à connaître leur topologie et leur fonctionnalité. L’économie locale en est régénérée, par l’accueil et l’encadrement de cette main d’œuvre mobile.

Jardins linéaires

Les routes, chemins et passages parcourus sont de cette manière entretenus, leurs produits vivants sont récupérés et utilisés. C’est une manière de spatialiser et temporaliser ces actions, la saison des récoltes, l’utilisation des espaces aux bords des routes, qui ne sont que les contours des champs, des bois et des jardins. Cet aspect géométrique de l’analyse mérite une attention plus assidue. La circonférence d’un champ est relativement plus grande, si le champ est plus petite. Une ligne d’arbres est une forêt linéaire. La nature utilise déjà ce genre de principe, d’économie de geste, d’économie d’énergie et de ressources, pour en extraire le maximum de bénéfice. La section du tronc d’un arbre est très petite par rapport à la surface de sa canopée. Les architecte cherchent, dans leurs défis structurels, à comprendre comment la nature a fait. Les arbres suspendent tout d’un pilon, étayé par ses confrères, les grands immeubles aussi.

Concret

Concrètement, je suis en train de considérer comment m’y prendre pour rétablir le modèle de Boucle des Marchés, la où je me trouve, en terre plutôt hostile (jusqu’à preuve du contraire), peuplée de plus en plus par des riches, des visiteurs/deuxième résidence et des pastoralistes plus ou moins industriels, plutôt irrémédiables (jusqu’à preuve du contraire). Comme nous tous. La prochaine émission, la douzième, est titrée « Conclusions », de manière assez originale, je trouve.